LE QUESTIONNAIRE DE P.

Mélanie Wanga,Introspection d'une podcasteuse

17.04.2020

Elle, c’est Mélanie Wanga. Journaliste, co-animatrice du podcast Le Tchip sur Binge audio, elle se considère comme féministe, intéressée par la représentation des femmes et des minorités dans les médias et la culture en générale.

Ta définition de la mode ?


C’est un mode d’expression, c’est assez puissant parce qu‘il y a de grands enjeux de représentation : comment se montrer à l’extérieur, comment projeter sa personnalité à travers ses vêtements. J’aime tout ce qui est pointu même si aujourd’hui je suis assez classique. C’est bien de pouvoir exprimer son humeur à travers ses vêtements, sans se mettre de barrières.

Une icône mode classe ?


J’ai un peu de mal avec le mot classe quand il s’applique aux femmes. C’est comme si on les divisait en deux catégories : femme classe et femme pas classe. Pourtant, on emprunte parfois aux codes des « femmes pas classe » quelques années plus tard pour promouvoir des vêtements « classe ». Par exemple, les tantines africaines sortent souvent des trucs assez extravagants, comme associer des couleurs ou des matières chelou, et cinq ans après, ça arrive sur les podiums et tout le monde aime… Pour moi, tout se croise, tout se recycle. Sinon, une idole qui m’inspire en termes d’élégance c’est Michelle Obama car j’adore comment elle rend hommage à la culture noire en choisissant beaucoup de créateurs afro-américains et africains, notamment quand elle était à la maison blanche. Je trouve que c’est une bonne représentation de l’élégance.

Une icône mode trash ?


Cardi B ou Rihanna, même si pour cette dernière je ne suis pas sûre qu’on puisse dire qu’elle est trash. Moi je trouve qu’elle mélange le côté provoquant avec l’avant-garde. En fait pour moi, Rihanna c’est une tantine. Quand elle s’est rasé les cheveux, on a trouvé ça bizarre, puis tout le monde l’a fait. Pour moi c’est une icône dans le sens où elle arrive avant tout le monde à exprimer son humeur et deal with it si vous n’aimez pas.

A quand remonte ton dernier achat de fast fashion ?


Aïe aïe, j’essaye d’acheter moins de vêtements. Je suis devenue adepte de la méthode Marie Kondo et j’ai gagné pas mal de place ! En termes de fast fashion j’essaye de limiter mes achats mais, comme tout le monde je vais voir sur Aliexpress… Mon dernier craquage : un portefeuille en décembre 2018.

Ta marque de prêt-à-porter préférée ?


Si je dis Primark je vais me faire défoncer, donc non haha. J’ai envie de dire Chanel, en termes de coupe, de forme, c’est à la fois moderne et classique. Sinon, j’achète souvent du sur-mesure réalisé par un tailleur.

Ta marque équitable préférée ?


Je dirais Jimmy Fairly (lunetier). Pour chaque paire de lunettes, une paire est offerte à des enfants. Tout est made in France et Italie, et plutôt abordable (99 euros la paire).

Ton style vestimentaire en trois mots ?


Décalé, jeune, aventurier.

Ton rapport à la mode : philosophique ou superficiel ?


Plutôt superficiel… A une époque c’était peut-être quelque chose qui m’intéressait, notamment au lycée. Avec l’âge, j’ai l’impression de moins y prêter attention même si j’ai de vrais coups de cœur sur Instagram.

Ta pièce intemporelle favorite ?


J’adore le blazer masculin qu’on peut mettre par-dessus un t-shirt, une chemise…

Quel ton niveau slow fashion ? Débutant, intermédiaire, expert ?


Je suis assez consciente, j’ai eu un déclic avec le documentaire The True Cost qui recommande d’aller dans les friperies, ce qui est une bonne démarche. Je suis consciente et c’est pour ça que je me sens un peu coupable en cliquant sur Aliexpress ou Amazon. J’aimerais consommer plus responsable mais ce qui me bloque, c’est terrible à dire, c’est le coût. Après, bien sûr, il faudrait moins consommer et acheter des pièces qui ont plus de sens et qui sont durables mais c’est vrai qu’on vit dan une société qui incite à la consommation perpétuelle, via les publicités, les fashion weeks et les réseaux sociaux, Instagram en tête. On va dire que je me vois plutôt intermédiaire.

La mode africaine, ça te parle ?


Ça me parle à fond ! Avec ma sœur on va beaucoup voir les couturiers pour nous faire des robes.

Ta définition du féminisme ?


Il y a la définition basique, se battre pour que les hommes et les femmes aient les mêmes droits juridiques, professionnels, sociaux, politiques et économique.
Pour moi le féminisme, ce que ça représente pour moi, déjà c’est une partie de mon identité, ça m’a permis de comprendre qui j’étais. Je l’ai découvert à 12/13 ans, ça a été comme une révélation, c’était comme me dire : ah j’ai le droit ? J’ai le droit de m’exprimer, de ne pas être en accord avec les garçons. Plus tard en allant à la fac, j’ai lu Simone de Beauvoir et d’autres autrices féministes, c’est là que j’ai compris plein de choses, et à travers ma carrière de journaliste, j’ai intégré les sujets du féminisme mais aussi d’antiracisme. Ça a été une manière de me construire comme une personne, de me sentir reliée à d’autres femmes qui ont vécu les même choses que moi, ça a été fondateurs. Le féminisme c’est une partie de mon identité, un école de vie. Ce qui est fou, c’est que ce soit controversé, sachant que le féminisme n’a tué personne, contrairement au machisme. Dès que m’on laisse l’opportunité à une femme de réfléchir pour elle-même, c’est une énorme révolution, il y a tellement de choses qui sont injustes dans ce monde. Les femmes produisent 60 à 70% de la production mondiale mais ne touche certainement pas 60 à 70% de la richesse mondiale. Le féminisme ouvre les yeux, il y a tellement de gens qui préfèrent qu’on les garde fermés, il y a des gens qui sont mêmes prêts à user de la violence pour cela.

Avec qui aimerais-tu débattre de la mini-jupe ?


Éric Zemmour. En vrai, ça ne me dérange pas d’avoir développé une bulle sur internet, d’avoir uniquement des gens qui sont progressistes, parce que ça me donne de la force quand je suis confrontée dans la vie de tous les jours à des gens qui vont me dire n’importe quoi. Donc, oui Éric Zemmour.

L'endroit où tu te sens le plus libre en tant que femme ?


A la mer, à la plage, en hiver, quand il n’y a personne, mon rêve c’est d’habiter au bord de mer, de voir l’océan depuis ma fenêtre.

La qualité que tu préfères chez un être humain ?


La gentillesse. Je pense qu’on ne peut pas être trop gentille, c’est juste ce monde qui est trop méchant, haha. Quand tu te soucies des gens, on te dit que tu es une serpillère, je ne suis pas d’accord ! Je respecte énormément les gens gentils, c’est l’une des qualités les plus humaines qu’il soit.

Un défaut impardonnable selon toi ?


La cruauté, même si je pense que tous les êtres humains en ont un peu en eux. On peut avoir envie de se venger, de faire mal, mais ça ne donne jamais rien de bon.

Une femme qui t’inspire ?


Je vais donner une réponse très originale : Beyonce, mais pas seulement parce que c’est la plus grande star au monde. J’ai appris à apprécier sa discographie en 2013, quand elle a sorti l’album Beyonce, sans prévenir personne. Ce que j’admire chez elle, c’est sa capacité à se donner à fond, même quand elle pourrait se contenter de moins. Elle fait de l’overdeliver ou du 21/20. Elle ne fait pas ça pour dire qu’elle est meilleure qu’une autre, mais pour elle-même. C’est un réflexe que j’aimerais bien appliquer dans mon propre travail. Ça demande énormément de conscience, de détermination.

Un homme qui t’inspire ?


J’ai envie de dire, Denis Mukwege (gynécologue et militant des droits humains kino-congolais, ndlr). En fait, je ne respecte que les hommes qui font des choses pour les femmes.

Une héroïne de l'histoire que l'on ne devrait pas oublier ?


Les amazones du Dahomey ou Abla Pokou, c’est une reine africaine qui vers 1770 mena le peuple baoulé vers la Côte d’Ivoire. La légende dit qu’elle a sacrifié son fils pour réussir son projet. Baoulé signifierait d’ailleurs l’enfant est mort. C’est un peu comme un Moïse qui amène son peuple vers la terre promise. Il y a beaucoup de récits, oraux comme écrits, à son sujet mais c’est dommage qu’on ne parle pas d’elle.

Un héros de l'histoire que l'on peut ignorer ?


Napoléon Bonaparte qui en 1802 a rétabli l’esclavage. Pour la petite histoire, c’est sa femme Joséphine de Beauharnais qui lui aurait soufflé l’idée, raison pour laquelle sa statue est régulièrement décapitée en Martinique…

Un écrivain ou une écrivaine sexiste que tu aimes lire ?


Peut-être Murakami. Même si j’ai aimé 1Q84, j’ai l’impression qu’il a quelques problèmes avec les femmes. L’héroïne (Aomamé, ndlr) est limite la personnification d’un sextoy !

Tu es née femme, tu l’es devenue ou tu ne l’es pas encore ?


J’ai l’impression que je ne le suis pas encore. Je ne sais pas exactement ce que cela veut dire, en réalité. J’ai l’impression qu’être femme c’est répondre à une certaine image de la féminité et, finalement, je me sens plus féministe que féminine. Me battre pour les femmes et leur représentation pour qu’elles obtiennent leur juste dû dans la société me séduit plus que réfléchir à la féminité. Simone de Beauvoir écrivait qu’on ne nait pas femme, on le devient. J’ai toujours trouvé que cela induisait quelque chose d’assez coercitif dans le fait d’être femme, du moins, la femme décrite à son époque. Et avant d’être femme, on est quoi ? Je pense que les femmes devraient elles-mêmes définir ce qu’elles sont.

Quel est ton état d'esprit actuel ?


Je me sens bien car cette conversation est intéressante ! Sinon, j’ai beaucoup de projets en ce moment, ma vie me plaît !

Une faute qui t’inspire le plus d'indulgence ?


Quand quelqu’un a confiance en quelqu’un d’autre et que ça le mène à sa perte.

Quel est ton rêve du bonheur ?


Vivre au bord de la mer, dans une maison, écrire des livres, avoir mon chat, faire du yoga. Sinon, juste vivre de mon écriture et de mes idées ainsi que pouvoir contribuer en même temps à changer les choses, avec un côté militant.

Quel serait ton plus grand malheur ?


De perdre les gens qui sont autour de moi. Il m’arrive de me faire de temps en temps des bad trips : « et si demain elle mourrait ? Si demain il avait un accident ? ». C’est assez humain, ça me permet de ne pas avoir trop peur de la mort, et de me motiver à passer plus de temps avec les gens que j’aime.

Où aurais-tu préféré vivre ?


Hong Kong ! Meilleure ville du monde !

Comment n’aimerais-tu pas mourir ?


De froid, dans la rue.

Vous voulez en savoir plus ? Retrouvez Mélanie dans le Tchip podcast :

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